Petite Angèle


Se souvenir de Marka, chanteur belge qui connut en France un début de notoriété à la fin des années 90 grâce à deux albums (MERCI D'AVANCE, L'IDIOMATIC) tellement plus fins et mieux écrits que ce que proposait alors un autre débutant, Bénabar, lequel, bizarrement, malgré ses chansons muettes, sourdes, engourdies, sans verbe ni rien fut à l’époque sacré roi de la «nouvelle chanson française ». Hum. S’en souvenir aussi… Marka, donc, n'a pas fait que de chouettes chansons, il a aussi, avec la comédienne Laurence Bibot, des enfants pleins d'adresse. Si leur fils, Roméo Elvis, rappe – et c’est d'enfer, parait-il –, la cadette, Angèle, 21 ans (pour qui Marka avait écrit Angèle sur L'IDIOMATIC), surgit comme une bombe avec un tout premier single, La loi de Murphy, d’après la théorie de l’ingénieur américain selon lequel, en somme, le pire est toujours certain. On ne pourra qu’être charmé par le visage blond de la Bruxelloise (ces lèvres roses dans lesquelles tout tendron voudra bientôt mordre...) que sa voix de velours épais distingue illico. Quant au morceau, entre hip-hop et chanson bilingue, il décrit par le menu le type même d'une bonne «journée de merde», quand tout foire et va de travers. À chaque saison ses nouveautés. Si Fishback et Juliette Armanet, les dernières arrivées dans notre variété (mot subitement redevenu à la mode), sont hyper référencées (Sanson, Berger, les eighties), ce que semble vouloir proposer Angèle est tout neuf sous nos cieux. Cool, populaire et moderne, La loi de Murphy se clôt aussi sur une accablante réalité qui mine chaque jour des millions de citoyens « légers d’argent » comme le chantait Brassens, lorsque l’écran du distributeur te crache à la gueule: « Solde insuffisant ». Ce clin-d'œil fraternel pourrait bien lui ouvrir toutes les portes. De la chanson intelligente qui jamais ne se la pète.

Baptiste Vignol