Les élans de Circé



Sur la pochette de FEMME LOUVE (signée Charles Hilbey) une déesse en cheveux, Lilith, prêtresse des plaisirs charnels, maintient ouverte sans frayeur et de ses doigts délicats la gueule d'une femelle sauvage, les oreilles baissées, le regard soumis et les crocs énormes. Voici le deuxième album de Circé Deslandes, et ceux qui avaient eu vent du premier, ŒSTROGENÈSE, l'attendaient en se demandant vers quel sous-bois mystérieux, humide et moussu, elle pourrait aujourd'hui nous entrainer. Onze contes composent cette échappée fredonnés d'une voix douce qui semble goûter chaque syllabe comme on croque dans un fruit mûr. Circé Deslandes n'a pas la reconnaissance que ses audaces et son talent méritent. Elle est pourtant la chanteuse française la plus poético-fertilo-dingue et neuve des années récentes. L'écouter, c'est partir en plongée, équipé d'un scaphandrier, au cœur d'une féminité mise à nue. «Je caresse les astres rouges / Et les soleils mouillés / Dans les algues folles / De ma psyché…» Ses chansons crues, hors format, conçues avec Mathieu Calmelet, ne rappellent personne. Jamais elles ne passeront à la radio. Trop intelligentes. Trop écrites. Trop légères. Trop politiques. Trop dérangeantes. Ce qui n'est que gâchis quand on voit l'artiste sur scène, impérieuse, dans des vidéos. Il faut donc sans tarder s'immerger dans sa musique bleu marine avant qu'un jour, elle ne décide de se tourner vers la littérature, qui, moins pudibonde, lui ouvrira grand les bras.

Baptiste Vignol