Lafayette à l'assaut


Alors qu'on nous pompe l'air avec La Femme et Julien Doré, un artiste au blaze révolutionnaire sort ce mois d'octobre 2016 le genre de pièce d'artillerie qui honore la pop du pays dans une canonnade de rêve. Portant pour titre LES DESSOUS FÉMININS, l'album propose onze obus de dentelle qu'agrafent des paroles qui claquent. Si l'on perçoit ici ou l'héritage insolent des Duvall-Alanski lançant Lio sans crier gare en 1979 avec Dan Lacksman aux manettes, on y décèle également le doigté de Michel Berger, du Katerine des débuts et de Patrick Juvet. «À cause d'une fille, un été, au bord de la mer…» Et l'album se dévêt. Sans qu'on puisse l'arrêter. Car en effeuillant l'époque sur des nappes synthétiques, Lafayette vise juste. Avec des chansons de drague et de fragilité («Mes émotions me submergent comme des vagues / J'en entends une qui glisse au loin / Ça va détruire mon château d'sable / Ma carapace, mon air serein»), de paresse et de réflexion politique moins légères qu'il n'y parait. Ayant passé l'âge de faire dans le geignement, Lafayette a par surcroit l'élégance de ne pas jouer les romantiques de service. Alors avec Automatique, il ose une description asphyxiante du monde du travail dont la chute mérite à elle seule l'achat du CD ! Porté par des airs caressants, LES DESSOUS FÉMININS est un disque de crise, qu'une espérance à ciel ouvert teinte et idéalise. Et comment ne pas fondre enfin pour l'aquosité délicate d'Instantané sur la banquise dont on jurerait qu'elle fut écrite à l'encre de chine? «Il y a du verglas sur le pare-brise / L'hypothermie ternit Venise / La neige me donne des cheveux blancs / T'as les pommettes rouges couleur sang…». Avec cet opus d'un chic pâle dédoré, Lafayette vient d'envoyer une fusée sol-air de longue portée glorifiant l'usage du français autant qu'il pousse aux danses tactiles, voire plus si affinités.

Baptiste Vignol