Fils de


Il y a les pignoufs qui misent tout sur leur coiffure et ne savent plus trop quelle coupe adopter, ni quel(le) guest racoler pour accrocher le public. Il y a aussi les chanteurs cérébraux qui copinent avec la critique à coups d'sms putassiers, genre: «J'écris mon prochain disque. Mes chansons avancent, comme elles peuvent... Te lire chaque semaine dans Télé Match est ma bulle d'air.» Tout ça donnant six mois plus tard dans les colonnes culturelles du canard «le meilleur album de la saison». La vie, c'est simple parfois. Et puis il y a des artistes intègres dont on entend peu la voix. Leurs chansons seraient-elles trop authentiques pour toucher les Morandini de la programmation radiophonique, tout à leur inébranlable bêtise? Le dernier Dorémus, EN TACHYCARDIE, a du cœur. Pas de ressassement ici ni de poses tape-à-l'œil, mais des chansons urbaines, sanguines, aussi belles que Paris quand on la voit s'allumer l'été depuis les marches du Sacré-Cœur dans la nuit tiède et marine. Des chansons qui racontent l'époque, les petites joies et les bonheurs (Marque ton stop que j't'embrasse), les angoisses (20 milligrammes), les relations bancales (Ton petit adultère), les rages, les défaites (Dernièrement) de celles et ceux qui avancent à voix basse, sur qui le temps qui passe finit par peser (La femme de ma vie) et pour qui l'existence n'a rien d'un clip à la con. Pas étonnant qu'Alain Souchon, Francis Cabrel, Renaud ou Maxime Le Forestier trouvent en Benoît Dorémus mieux qu'un épigone. Bêtes à chagrin sur les chanteurs («En public y sont beaux, mais rêve pas / Faut les voir sans fard / Sans musique, sans bravo, sans lumière / Perdus chez Picard / Y en a un chaque semaine, j'le vois et j'me marre») ou Brassens en pleine poire, sur une amoureuse envolée, sont des modèles du genre. Qui collent aux basques.

Baptiste Vignol