Plutôt Ludéal


Pourquoi certains chanteurs immenses n'ont pas la reconnaissance publique qu'ils méritent, ni le soutien périphérique des radios d'envergure? Julien Baer, Vincent Baguian, Jacques Bertin, Bertrand Betsch, ces grands B de la chanson française, brillant à leur façon parmi l'écume inconnue et les cieux… Mais citons encore Monsieur McNeil - David de son prénom, Pierre Schott, Bastien Lallemant, ou bien encore la Québécoise Ariane Moffatt sous nos longitudes. Parmi d'autres, sûrement. Membre du club, Vincent Ludéal stationne lui aussi par-dessus la couche d'ozone. S'il compte déjà quatre albums de haut vol, son plus récent, PLUTON, date de février 2016. Et c'est probablement, rayon pop éclatante, le disque le plus jouissif atterrit ces derniers mois, avec ÇA IRA TU VERRAS de Séverin, autre étoile méconnue, et les nouveautés sidérantes des stars que sont Benjamin Biolay et Christophe. Plein d'élégance et de recul, Ludéal a donc baptisé son recueil du nom de la plus petite des planètes du Système solaire, dont la découverte ne date que de 1930. Malin, puisque rien de lumineux ne reste jamais tout à fait ignoré. «Où vont mes rêves quand je n'dors plus? / Que font-ils de l'aube au crépuscule…», s'interroge-t-il avec mélancolie dans Mes molles Odyssées. Un disque follement onirique, dont les dix plages s'enchainent luxueusement, certains titres déployant un potentiel tubesque indéniable : La fille aux chevilles nues avec ses cuivres et son piano aériens, Là où tu es qu'irradient ses chœurs féminins, Aussi torride et son galop sexy… La voix de Ludéal caresse et sonne, son écriture impressionne et ses musiques phosphorescentes sont de pures créatures de songe. Comme de longs échos qui de loin se confondent dans une ténébreuse et profonde unité, vaste comme la nuit et comme la clarté, les parfums, les couleurs et les sons s'y répondent !... Mais l'on connait la suite. 
Voilà, PLUTON est le grand disque d'un artiste important. Rien sur Terre aujourd'hui n'étant moins contestable. Il fallait bien finir par un alexandrin.

Baptiste Vignol