Sophie n'en finit pas de s'approcher de nous


Du fond de sa riviéra, Sophie Huriaux, dite La Grande, démontre avec NOS HISTOIRES que l'on peut avancer dans l'âge en conservant sur la jeune garde un supplément d'âme et de fraicheur, quand la plupart des chanteurs populaires, passée la quarantaine, s'émousse et tourne en rond, ne trouvant plus que dans le subterfuge d'une chevelure savamment ébouriffée l'illusion de vaincre une inspiration envolée dont les nouvelles chansons n'égaleront jamais les anciennes, finissant par ne ressembler qu'à des petites crottes dans du papier doré. Nul artifice chez Sophie dont c'est le septième album en carrière depuis 1997, mais un art d'écrire et de composer qui se fiche bien de la mode et des griffes du moment. La voix, les mots, les musiques marquent et font des chansons à vue si l'on s'y penche un peu, comme par une fenêtre ouverte. Les années passent, les idoles du Top s'évaporent mais La Grande Sophie s'affine. Elle est devenue, disque après disque, une conteuse moderne de nos vies ordinaires, des portes qui claquent, des doutes («Tu vois, mes doutes / Sont les perles d'un collier / Qui m'étranglent à tout jamais…»), des regrets qui fouettent, de la peur du vide et des émerveillements. Que demande-t-on aux artistes quand ils ont du talent? Qu'ils nous parlent de nous au travers de leurs œuvres.

Baptiste Vignol