Radiographie


Dans un monde normal, Julien Baer, Pierre Schott ou Jean-François Coen continueraient pépères d'apparaitre tous les deux-trois ans chargés d'une cargaison d'airs soyeux qu'ils écouleraient facilement à quarante mille exemplaires au moins, ce qui leur permettrait d'en vivre et d'orner la chanson française de leurs démons. Dans un monde normal, 2014 aurait été l'année de Dominique Dalcan (HIRUNDO); Circé Deslandes, la It girl du moment. Quoi encore? Les Innocents casseraient la baraque avec MANDARINE. Dick Annegarn remplirait l'Olympia. Pareil pour Ariane Moffatt, Mokaïesh, Barbara Carlotti, Lisa Leblanc ou Fred Métayer... Dans un monde normal, le clip des Babas passerait sur W9 et Anaïs n'aurait pas en juin 2015 annoncé sa retraite sur facebook sans que cela n'émeuve aucun chroniqueur - elle qui avait emballé le métier un soir de mars 2006. 



Mais dans nos pays à deux balles, la rengaine ne vaut plus tripette si elle ne tourne pas en radio. Pourtant, des «artistes» «poètes», au sens que leur donnait Verlaine, «fous de vers» et «de musique», s'organisent encore en contrebande! Loin des sentiers battus, Sébastien Polloni affiche leur bravoure, leur aisance, leur désinvolture. «On se rêvait pirates aux allures de dandy / Un peu plus de voilure, un peu moins d'interdits…» Il vient de sortir RAVINES, onze chansons courtes et encaissées que sa belle voix boisée dompte comme les eaux d'un fleuve sur des arrangements clairs de Guillaume Cantillon, l'ancien chanteur de Kaolin. Mieux qu'un espoir, ce premier disque devrait être une promesse. Dans un monde normal.

Baptiste Vignol