Le sex-appeal de Mistinguett


C'est l'histoire de Jeanne Bourgeois, née en 1875 à Enghien-les-Bains, qui, pour devenir une vedette parisienne, prit comme nom d'artiste Miss Helyett d'abord, Miss Tinguette puis Mistinguett  quand elle avait vingt ans. Chanteuse à L'Eldorado de 1897 à 1907, elle invente le music-hall en mêlant la comédie au chant. Consacrée star en 1912 aux Folies-Bergère avec son homme, Maurice Chevalier, ils forment «le couple» de l'époque, que le succès séparera. Après la Première Guerre mondiale, Mistinguett culmine à la pointe de sa quarantaine. Adulée par Colette selon qui elle est devenue «propriété nationale» ou par Jean Cocteau, la Miss crée les revues «Paris qui danse», «Paris qui jazz», «Paris en l'air», «Ça c'est Paris» au Casino de Paris qu'elle sauve des promoteurs immobiliers. C'est au cœur de ce prestigieux bâtiment ouvert en 1890 17 rue de Clichy que se joue le spectacle «Mistinguett» qu'ont déjà vu depuis septembre 2014 cinquante mille spectateurs. Superbement incarnée par Carmen Maria Vega, électrique et désirable, on découvre une femme moderne, libre, qui ne s'en laisse pas conter dans le Paris des Années folles. Paillettes, plumes et gambettes sur fond de trafics en tous genres, avec durs à cuire et marlous… Les paroles des chansons, pétillantes et cavaleuses, sont de Vincent Baguian sur des musiques de Jean-Pierre Pilot et William Rousseau. Et ça joue, et ça danse et ça chante pour de bon! Portée par une troupe efficace de comédiens et danseurs parmi lesquels Patrice Maktav, excellent dans le rôle de Léon Volterra (qui fut le propriétaire du Casino à partir de 1918), Ciryl Romoli dans celui du fameux metteur en scène Jacques-Charles, ou Fabian Richard, le voyou, l'intrigue monte crescendo jusqu'à l'éblouissant final où Mistinguett descend, et avec quelle classe!, les grands escaliers du Casino. Une réussite, dans toute la force du terme. Que vient de valider Charles Aznavour, lui qui la connut quand, à soixante-treize ans, en 1948, Mistinguett faisait encore les beaux soirs de l'ABC où le jeune meneur de revue s'appelait Henri Salvador. Parmi la vingtaine de comédies musicales montées en France depuis «Notre-Dame de Paris» en 1998, «Mistinguett» pourrait bien être celle qui affiche le plus de charme, et de chien.

Baptiste Vignol

(La troupe autour de Charles Aznavour.)