Radieux Frères Jacques


Il n'y a guère que Sophie Delassein pour consacrer aux Frères Jacques une pleine page de magazine (Le Nouvel Observateur, 31 juillet 2014), trente-quatre ans après l'extinction du quatuor. Grâce lui soit rendue. Ceux qui l'ont applaudi jouissent forcément d'une image flamboyante de la Chanson et savent quelles sphères poétiques, loufoques et satiriques cet art peut embraser. Voir les Frères Jacques, c'était aussi magique que d'assister aux tours de chant de Charles Trenet, Gilbert Bécaud, Léo Ferré, Barbara, Diane Dufresne ou Juliette Gréco (pour ceux qu'il m'a été donné la chance de voir en vrai): un choc. Les Frères Jacques étant même les premiers artistes que j'ai découverts sur scène, à Carthage en 1977, puis à Grenoble en 1980, lors de leur tournée d'adieu, qui fut mondiale, rappelons-le. Je n'avais pas dix ans mais quand André Bellec (son justaucorps était le vert) me demanda dans la loge où ils recevaient leurs admirateurs après le récital, ce que je voudrais faire quand je serais grand, ma réponse l'étonna: «Frère Jacques!». Il faut dire que leurs chansons insensées, écrites par la crème (Prévert, Vian, Béart, Gainsbourg…) et portées par d'hallucinantes chorégraphies, enflammaient littéralement les salles combles de spectateurs de tous âges… Quelques titres au hasard: La Confiture (qui dégouline), La Queue du chat, La Chanson sans calcium, Stanislas (chef-d'œuvre de Ricet Barrier), La Marie-Joseph parmi tant d'autres… Ces saynètes mimées, il est encore possible de s'en délecter sur DVD. L'article de Sophie Delassein poussera peut-être quelques âmes généreuses à les offrir aux enfants ou petits-enfants de leur entourage; certains, sans nul doute, tomberont sous le charme. C'est effectivement tellement autre chose que de découvrir la chanson française grâce aux Frères Jacques plutôt qu'avec Zaz, Fauve ou Julien Doré dont le public, pourquoi le cacher, est essentiellement composé de gamins… 

Baptiste Vignol