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L'heure est à Renaud. Un ouvrage à base d'illustrations dessinées ("Renaud à la plume et au pinceau", Éditions Carpentier) que Renaud lui-même, en fana de BD, apprécie assez pour avoir pris la pose le livre entre les mains (c'est à voir sur la page facebook du bouquin); une compilation officielle, LA BANDE À RENAUD, qui parait chez Mercury avec des choix étonnants de casting; et un site parallèle (www.tatatssin.com), un peu pirate sur les bords, qui propose gratuitement une vingtaine de reprises chantées par des artistes singuliers qu'on n'attendait pas sur ce terrain-là et auxquels les labels ne songent jamais pour échafauder leurs «tribute to»: Bertrand Betsch, Ludéal, Damien, Louis-Ronan Choisy, Bertrand Soulier, Bertrand Louis, Rit, Gérald Genty, Séverin, Shor'Ézé, Fred Métayer, Pierre Schott, Antoine Léonpaul (tous auteurs dernièrement d'albums dignes d'être achetés) ou Peter Kröner dont on n'avait plus entendu la voix depuis dix-sept ans (sa version d'En Cloque frise le chef-d'œuvre). Côté femmes ? Le répertoire de Renaud présente deux écueils: certaines pièces, d'abord, semblent figées dans le marbre de son interprétation si particulière, Mistral gagnant, Dès que le vent soufflera…, Marche à l'ombre, Dans mon HLM par exemple, dont les covers poussent presque immanquablement à la pâle copie, quand ça n'est pas de la mauvaise caricature (un peu comme quand Patrick Bruel s'échinait à massacrer Amsterdam). L'autre danger étant que l'inspiration du Chanteur énervant, d'essence franchement masculine (le père, l'époux, le loubard dans la bande…), voit sa saveur s'émietter chantée par des voix féminines qui, pour «exister», tombent dans la sensiblerie (un peu comme si, a contrario, Patrick Bruel reprenait Barbara…). La Grande Sophie pourtant donne une couleur inédite au monument qu'est It is not because you are en l'émasculant d'une part, et en se détachant d'autre part de l'outrageux accent parigot que Renaud y prenait de façon géniale; tandis que Circé Deslandes (son EP TESTOSTÉRONE est maintenant téléchargeable) s'approprie avec une exquise et lumineuse douceur l'épidermique Je m'appelle Galilée. La singularité de ce projet se trouve là, dans ses relectures qui permettent, suprême réussite, y compris pour les oreilles les plus avisées, de (re)découvrir la richesse des mots et des thèmes rénaldiens. Quoi ? Qui c'est qu'a pouffé ?  Toi ? Ben t'as tort mon pote… Ne dit-on pas «rimbaldien»?

Baptiste Vignol