Cash yéyé


Il y avait Serge Gainsbourg pour débiter sur un timbre nasillard et nicotiné des propos outrageux, puis Benjamin Biolay qui n'hésite pas à marmonner quelques obscénités, mais personne jusque là n'en avait chantés avec dans la voix une suite de sons musicaux. Si Jean Felzine du groupe Mustang n'a pas la langue dans sa poche, il chante avec la légèreté du gymnaste sur son cheval d'arçons des textes corrosifs, brûlants et cadrés qui collent à l'époque: «Allez, mettez-la moi bien profond/ Car je le mérite au fond...», «Je vaux moins qu'une pute/ Son sexe est tarifé/ Moi on me culbute/ En toute gratuité...» (Le sens des affaires), «Tu trouves que tes pets ne sentent pas/ Papa tousse du sang quelquefois...» (Mes oignons ne font pleurer que moi), «La moitié des mecs de la ville/ T'est passée dessus/ Mais ils te traitent de fille facile/ Quelle bande de faux-culs...» (Sans des filles comme toi), «J'ai peur des filles qui dansent/ Elles sont tellement jolies/ C'est bête! Les filles qui dansent/ Elles pensent au sexe aussi...» (Les filles qui dansent), «Quand d'autres s'usaient les poignets/ Sur des scènes de gonzo/ Moi j'passais pro/ Je m'tapais/ Des hôtesses du Tokyo/ Game show...» (Je vis des hauts) Le tout sur des musiques super-glu, hyper léchées, qui mettent des fourmis dans les jambes. Cocktail étonnant, pétillant de saillies et de références rock'n'roll, qui marierait, disons, l'univers blues métallisé d'un Christophe 1978 avec l'arrogance froissée des garçons qui traînent sur la plage quand l'approche des requins leur interdit de surfer. Unique en France.

Baptiste Vignol