L'empreinte de Cora Vaucaire


S'il fallait mettre en lumière cinq fleurs du grand bouquet des chanteuses qui décore l'autel de la Variété francophone, pour ce que le mot «interprète» suppose de grâce, d'intelligence, de profondeur théâtrale, de charisme en somme, on penserait évidemment à Édith Piaf, Juliette Gréco, Barbara, Diane Dufresne... et ce serait grossier que d'oublier de ce quintette majeur Cora Vaucaire, décédée le 17 septembre 2011 à l'âge de 93 ans. Cora Vaucaire chantait sur du velours, son art semblait la faire flotter sur les mots de Prévert, dont elle créa Les Feuilles mortes en 1945, d'Aragon, de Trenet, de Ferré, de Mireille, de Fanon (L'écharpe devenant avec elle l'une des plus belles pièces qui soient, à tel point que le quatrain "Si je porte à mon cou/ En souvenir de toi/ Cette écharpe de soie/ Que tu portais chez nous [...]" illustre la définition du mot dans le Dictionnaire Culturel en 4 volumes d'Alain Rey)...
En 1997, pour fêter ses 80 ans, la «Dame blanche» fit un tour de chant triomphal à la Comédie des Champs Élysées. Triomphal car une semaine durant, la salle était pleine comme un œuf et se levait pour acclamer cette incomparable diseuse, subtile, moderne, merveilleusement élégante. L'un des concerts les plus «forts» qu'il m'ait été donné de voir, avec ceux de Charles Trenet au théâtre du Châtelet (1988), de Lhasa au Grand Rex (2004), de Björk à la Mutualité (1997) et de Bruce Springsteen seul à la guitare au Zénith de Paris (1996).
L'enregistrement public CORA VAUCAIRE AU THÉÂTRE DE LA VILLE paru en 1975 chez Jacques Canetti est un album indispensable à toute discothèque digne de ce nom.

Baptiste Vignol