Jacno surrender


Une gueule. Comme on en taillait à l'aube des années 80, de petite frappe ambiguë, dans l'ombre tutélaire et christique du Delon de Rocco : Axel Bauer, Étienne Daho, Daniel Darc et Jacno.
Un groupe punk avec Elli Medeiros, les Stinky Toys, qui gueulait en anglais, juste et vent debout, trente ans avant Izia. Novateur.
Un chef-d'œuvre révolutionnaire, fondateur de l'électro minimale: Rectangle (#14 en juillet 80).
Un tube indémodable pour une Lio irrésistible dans la félinité de ses 18 ans - et dont le seul souvenir donnerait un coup de vieux à toutes les minettes plus ou moins délurées de la planète pop [regardez plutôt...]: Amoureux solitaires (#1 en novembre 80), adaptation méconnaissable d'un morceau des Stinky, Lonely lovers (1977). Son vœu moderne et cristallin, six mois avant mai 81: "Que nos vies aient l'air d'un film parfait!"
Trois 33 tours désinvoltes et un succès miniature (Main dans la main, #30 en octobre 80) sous le nom d'Elli & Jacno, tandem divin, romantique et racé, précurseur du regretté Niagara de Muriel Moreno et Daniel Chenevez.
Des productions pour Daho (MYTHOMANE, 1981), Jacques Higelin (TOMBÉ DU CIEL, 1988), puis quelques albums solo jusqu'à TANT DE TEMPS (2006), dont le tendre T'ES LOIN, T'ES PRÈS (1988), empreint de l'être aimé, l'actrice aux grands yeux bleus Pauline Lafont, qui mourrait tragiquement en août 1988.
Telle fut la trajectoire de Denis Quilliard, alias Jacno, stoppée en novembre 2009.
Une carrière mal connue du grand public mais dont un beau disque de reprises, JACNO FUTURE (2011), met en lumière les chansons phares d'un auteur-compositeur-interprète finalement desservi par une voix transparente. Mus par une authentique estime, Dominique A (Je t'aime tant), Benjamin Biolay & Chiara Mastroianni (D'une rive à l'autre), Jacques Higelin (Mauvaise humeur), Katerine (Rectangle), Miossec (J'ai triste), Christophe (Je viens d'ailleurs), Alex Beaupain (Tes grands yeux bleus) rendent à des titres menacés par l'oubli un tribut éclatant. Classe.


Baptiste Vignol