L'autoportrait d'Allain Leprest


Non, Allain Leprest n'était pas Rimbaud comme on peut le lire ici ou là. Telle comparaison, facile et surfaite, l'aurait d'ailleurs énervé, lui qui l'avait chanté, le poète (Rimbaud), sur une musique de Francis Lai: "Y en a qui diront qu'ça fait plus coquet,/ Quand on a tout dit, d'partir avant les/ Ratures/ Que d'dans comme dehors, on reste sur Terre/ Qu'après tout, on n'a qu'l'âge de ses artères/ Arthur/ T'avoueras quand même qu'c'est pas des manières/ D'partir en laissant la moitié d'un verre/ D'absinthe/ Et pis d'enfanter une génération/ En laissant la mère, sans rien, sans pognon/ Enceinte."
Allain Leprest était plus simplement un grandiose parolier doublé d'un interprète à fleur de peau pour lequel avaient composé Richard Galliano, Romain Didier, Jean Ferrat, Gilbert Laffaille, Kent, Gérard Pierron, Yves Duteil, Étienne Goupil, etc., mais dont les disques, hélas, pêchaient par une réalisation pâlichonne. J'avais eu la chance de l'approcher en 1996 sur le plateau de La Chance aux chansons où je venais d'être embauché. Pascal Sevran, malgré d'insupportables tares, aimait assez la ritournelle pour être le seul homme de télévision à tendre un micro à Leprest. L'occasion de constater qu'en 96, certains disaient déjà d'Allain Leprest qu'il était "le plus grand de sa génération". (Leprest chante, parle et c'est ici) Les soi-disant "spécialistes" de la chanson qui ne lui ont jamais consacré de portrait sont sans excuse et devraient rendre leur tablier.
Alors que quinze ans plus tard, par courrier, je lui demandai quelles étaient ses dix chansons préférées, celles qu'il aurait aimé écrire en somme, voilà ce qu'il me répondait - ces deux pages, toutes d'humilité, faisant peut-être son plus authentique portrait.


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Il n'avait que 57 ans et encore probablement des dizaines de couplets dans la manche. La mort d'Allain Leprest est donc une perte tragique pour la chanson française.

Baptiste Vignol