L'âme des poètes


Il y aura vingt ans le 2 mars, claquait Serge Gainsbourg. Une nouvelle "Intégrale" enrichie de faux inédits vient de paraître. En octobre, cela fera trente balais que Brassens a cassé sa pipe. Il s’en trouvera sûrement pour fêter cet anniversaire à coup d’hommages éventés. Charles Trenet est mort le 19 février 2001. Dix ans, et rien à l’horizon, nul bouquin, aucun tribute to… Trenet, dont Brassens prétendait qu’il était “le père de la chanson française”, en qui Gainsbourg disait “entrevoir un passeur de rêves/ Auréolé d'un feutre clair/ Et de soleils fulgurants d'avant-guerre”. Trenet. “Tout bégayait. Tout traînait. Plus rien ne traîne et tout parle. C’est grâce aux chansons de Charles Trenet” affirmait Jean Cocteau. Ok les gars? À quel chanteur du jour un Cocteau 2.0 (Cocteau? qui disait qu’on avait fait de lui un personnage à qui il refuserait de serrer la main; qui savait aussi que “l’œuvre est d’abord une sueur”…) pourrait offrir pareille dédicace? Christophe Maé, dont Frédéric Mitterrand, en lui remettant la médaille des Arts et des Lettres, a ajouté le nom à la liste des “personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des Arts et des Lettres en France et dans le monde” ? La même semaine, le ministre écartait L.-F. Céline des célébrations nationales 2011. Trop drôle.

Puisqu’il n’y a pas de nouveau Trenet (pas plus qu’il n’y a de Cocteau 2010) et puisqu’ils ont tout oublié du Fou chantant, il faut (re)lire l’indépassable biographie écrite de son vivant par Richard Cannavo, “monsieur Trenet”, pour laquelle papy Charles avait noté en quatrième de couv’: “Merci cher Richard de me connaître mieux que moi...”


Baptiste Vignol