Est-ce une lâcheté, de se taire, mon père?



C’est le mois de janvier, discographiquement celui des bilans de l’année écoulée. L’heure pour les commentateurs d’honorer d'abord les vainqueurs : Christophe Maé en 2010 (520.000 CD payés en caisse), mais surtout Les Prêtres avec 510.000 SPIRITUS DEI malgré une semaine d’exploitation en moins que le disque de Maé et un démarrage autrement plus modeste – si ON TRACE LA ROUTE est entré directement à la première place des charts fin mars grâce à 128.000 fans hystériques, les trois abbés ont commencé leur pèlerinage dans le Top avec un score de 18.000 CD (huit jours avant la sortie de SPIRITUS DEI, le boys band managé par monseigneur Di Falco était invité chez Michel Drucker). Le vrai triomphateur 2010 est donc l’opus béni par l’innommable évêque de Gap (dont il faut lire le courageux portrait de Sophie Bonnet dans les Inrockuptibles du 26.01.2011, "Amen pour les prêtres pédophiles"). Le diable se niche dans les détails…
Puis on passe aux succès : Yannick Noah, Grégoire et Mylène Farmer arrosent autant le marché qu'il pleut encore à Takamaka. C'est cool d'avoir des fans ! Au final, leurs albums dépasseront sans forcer les 500.000 unités (que Cabrel, Renaud ou Goldman atteignaient en trois semaines il n'y a cela que dix ans...). On s'étonne un instant du retour en grâce de Nolwen, 150.000 BRETONNE en un mois.
Et l’on s’attarde sur certaines désillusions. Djèn (APPELLE-MOI JEN, Jenifer), Zazie (7), Élodie Frégé (LA FILLE DE L'APRÈS-MIDI) et Alizé (UNE ENFANT DU SIÈCLE) ont bu le bouillon, certes. Les spécialistes n’ont pas manqué de le souligner mais se sont étonnamment guère étendus sur les cas Pierre Perret (LA FEMME GRILLAGÉE, 27.000 ex.), Cali (LA VIE EST UNE TRUITE ARC-EN-CIEL QUI NAGE DANS MON CŒUR, 21.000 ex.) et Sylvie Vartan dont le BLEU SOLEIL (conçu par la crème des faiseurs français, Keren Ann, Daho, Biolay) est sorti en grande pompe, idéalement avant Noël, au début du mois de novembre. Le bide (9.500 CD seulement) était pourtant prévisible. Voilà trente ans que le public a laissé Sylvie toute à sa chevelure. Trop de blondeur fatigue. Mais aucun journaliste, pas même Emmanuel “Moi, je” Marolle du Parisien qui déchiffre à la loupe les classements hebdomadaires (en expliquant les détenir bien qu’ils soient “confidentiels”, hum) n’a [osé?] souligné[r] que le fiasco de l’année était signé Katerine. Sorti le 27 septembre, précédé par le buzz du clip La Banane, PHILIPPE KATERINE n’a pas atteint la barre des 25.000 exemplaires en trois mois d’exploitation. Un flop commercial d’autant plus notable que son précédent, ROBOTS APRÈS TOUT (2005), se serait dispersé à plus de 200.000 exemplaires. Question : serait-il des artistes qu'il ne faut pas écorner?

Baptiste Vignol