Une explication vaudrait mieux

Les Victoires de la Musique. Il faudra qu'on nous explique. Mi-novembre 2010, la liste des artistes "nominables" aux Victoires 2011 (dont la cérémonie devrait se dérouler début mars au Palais des Congrès de Paris) est envoyée aux gens du métier, artistes, producteurs, éditeurs, directeurs artistiques, programmateurs radio, tourneurs, journalistes introduits... Un collège d'un millier de votants. De ce livret, par catégorie (artiste féminine de l'année, artiste masculin, révélations, albums rock/rap/musiques du monde, etc.), les zheureux zélecteurs doivent dégager un nom, et un seul ! Bonjour l'éclectisme. Les trois prétendants les plus cités concourront au trophée. Trois. Pas un de plus. Au diable le sectarisme.

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Elles sont 39 à pouvoir faire partie du trio de tête et décrocher une Victoire. Trente-neuf chanteuses, dont certaines étaient déjà présentes les années précédentes, avec peu ou prou le même produit, autrement dit son succédané: un disque live.
La question devrait se poser, mais elle ne se pose pas semble-il: un album studio, composé de chansons inédites, peut-il être comparé et concourir avec un enregistrement public composé de chansons anciennes? A fortiori, l’enregistrement du concert d’un artiste peut-il avoir quelque ambition quand son disque original le plus récent a été nominé lors d'une édition précédente? Bien que Vanessa Paradis ait emporté la Victoire 2008 grâce à DIVINYDILLE, elle concourt encore cette année avec UNE NUIT À VERSAILLES, captation d’un spectacle acoustique né dans la foulée de DIVINYDILLE ! Du pouvoir des majors de placer coûte que coûte leurs vedettes, au détriment de créations originales d’une part et de la diversité d’autre part. Qu'on en juge: Cœur de Pirate, qui ne dispose pas d'un nouvel album, se retrouve dans la liste des possibles prétendantes alors qu'elle était déjà nominée en 2010. Diam's l'est également pour l’incarnation scénique d'un CD sorti en octobre 2009 (S.O.S.) et curieusement oublié en mars 2010. Même chose pour Arielle Dombasle, retenue alors que GLAMOUR À MORT est sorti en avril 2009. Pour ce qui est d'Ariane Moffatt, toujours en course cette année, elle était déjà nominée en 2010, catégorie Révélation, tandis que (l'excellent) TOUS LES SENS est sorti en avril 2008... Sans parler des disques "nominables" avant même qu'ils ne soient dans le commerce! UNE NUIT À VERSAILLES de Vanessa Paradis et SOLEIL BLEU de Sylvie Vartan, par exemple, paraîtront le 29 novembre ! Comment voter pour un disque qui n'est pas sorti? Quant au CD de Line Renaud (RUE WASHINGTON), il n’a paru que le 8 novembre 2010, quelques heures avant l’envoi des bulletins… Façon d’imposer aux votants, et par ricochet au public, les productions jugées «importantes»? Dans son édition du 19 novembre, le Figaro annonçait que Warner espérait vendre 70.000 unités de RUE WASHINGTON, présenté comme un événement. C'est mal parti. Malgré le battage médiatique, il s'en est écoulé moins de 6.000 exemplaires (3.829 ex. + 2.033) en deux semaines d’exploitation...
Il serait tellement plus simple et plus juste de faire concourir des artistes qui ont publié un album de nouvelles chansons au cours des douze mois qui précédent la cérémonie.
Pour 2010, l'affaire au final se réglerait entre 3 ou 4 de ces demoiselles: Jeanne Cherhal (pour CHARADE), Françoise Hardy (LA PLUIE SANS PARAPLUIE), Claire Diterzi (ROSA LA ROUGE), Souad Massi (O HOURIA), Zazie (7) - car Zazie est toujours nominée!..., et Lynda Lemay (BLESSÉE). Il y aurait du suspens et du show.
Côté garçons, ils ne sont pas trente-neuf, mais quatre-vingt quatre (84!) à se disputer un fauteuil au Palais des Congrès, dans un embrouillamini de styles musicaux, de redites « live » et d'absurdités artistiques (Dany Brillant, Patrick Fiori, Gilbert Montagné, Michel Sardou…), sans que n'y figurent les disques remarquables d’Érik Arnaud (L’ARMURE, son troisième album-studio), Bertrand Belin (HYPERNUIT, son troisième), Louis-Ronan Choisy (RIVIÈRE DE PLUMES, son quatrième), Bertrand Louis (LE CENTRE COMMERCIAL, son quatrième) et Florent Marchet (COURCHEVEL, son troisième) qui sont tout sauf des débutants, mais jouent sous les couleurs d’un petit label… Les Victoires de la Musique, ça sent l'embrouille.

Baptiste Vignol