Initiales JB


Le cinéma, la variété, deux arts populaires, le premier nourrissant nombre de paroliers. Les actrices, notamment, parce qu’elles sont sources de fantasmes, ont toujours suscité ici une évocation, là un couplet, et parfois même carrément une chanson. Brigitte Bardot, bien entendu, qui de Serge Gainsbourg (Initials BB) à Albert Marcœur (BB) en passant par Dario Moreno (Brigitte Bardot) ou Bob Dylan en Amérique (I shall be free) n'a pas fini d’être chantée grâce aux quelques films qu'elle a sublimés (Et Dieu créa la femme, La vérité, Le mépris). Isabelle Adjani fut également l'inspiratrice d'hommages musicaux (Adjani, par Serge Lama notamment), tout comme Fanny Ardant (Fanny Ardant et moi, par Vincent Delerm), Candice Bergen (Candice par Chet), Danielle Darrieux (Je ne vous aime pas par Françoise Hardy), Bo Derek (par Arthur H), Marlene Dietrich (Marlene par Adamo, parmi tant d’autres...), Françoise Dorléac (Le film de Polanski par Yves Simon), Faye Dunaway (Les yeux de Laura par Goût de Luxe), Ava Gardner (La beauté d'Ava Gardner par Alain Souchon), Isabelle Huppert (Les âmes en allées par Gilbert Bécaud), Sophie Marceau (Assez... Assez par Julien Clerc), Marilyn Monroe évidemment, Isabella Rosselini (Voir par Christophe), Romy Schneider (Romy par Louis), Liz Taylor (par Jacques Duvall), Emma Thompson (Emma par Georges Moustaki), Gene Tierney (Poppy Gene Tierney par Étienne Daho), Natalie Wood (par Jil Caplan)...
Il y aurait un livre à écrire sur l’influence des reines du 7ème art dans la chanson populaire.
Et Juliette Binoche, direz-vous, qui est probablement l'actrice française la plus en vue à l’étranger – n’a-t-elle pas tourné en vedette avec Johnny Depp, Jeremie Irons, Daniel Day Lewis, Jude Law ? Après avoir été distinguée par la Mostra de Venise et reçu un César pour Trois Couleurs Bleu de Krzysztof Kieslowski, après voir décroché un Oscar avec Le Patient Anglais d’Anthony Minghella, été dirigée par Léos Carax, Jean-Luc Godard, Lass Hallström, Michael Haneke, Cédric Klaplish, Philip Kaufman, Louis Malle, Jean-Paul Rappeneau, André Téchiné…, elle vient de consolider son statut d’actrice légendaire en remportant hier le Prix d'interprétation du festival de Cannes pour sa partition dans Copie conforme de Abbas Kiarostami.
Dans un discours spontané et perspicace – elle fut la première à souligner l’absence du cinéaste iranien Jafar Panahi, invité à rejoindre le jury du festival mais toujours incarcéré à Téhéran où on l’accuse d’être le porte-voix de l’opposition –, elle annonçait, avec plus de sérieux peut-être qu’il n’y paraissait, espérer encore un jour enfin se marier et remerciait au passage tous les hommes qui l'avaient aimé. "Le regard d'un homme, c'est pas du vent" lui faisait dire Léos Carax dans Mauvais Sang, il y a vingt-quatre ans. Une réplique qui inspira Pascaline Herveet, la chanteuse des Elles, dans une des rares chansons écrites sur la comédienne (elle vient du Conservatoire) : “C’est le pays des Anges / Des anges qu’ont mal au ventre / Comme disait la Binoche / « Le regard d’un homme, c’est pas du vent… »”. Depuis cet hommage qui date de 1997, rien. Si le fait d’être cité dans des chansons consacre une notoriété, celle de Juliette Binoche n’a pas encore atteint, dans son pays, les sommets.

Baptiste Vignol