B comme...















Dans la discothèque de tout chansonphile averti - il en resterait 3 à 4 millions en francophonie, on trouve à la lettre B, outre ceux des fameux «3 B» (Brassens, Brel et Béart), des albums de Gilbert Bécaud, de Barbara, de Bourvil, d’Alain Bashung, de Brigitte Bardot, de Jacques Bertin. Parmi les contemporains, quatre méritent déjà de figurer au chapelet : Julien Baer, Benjamin Biolay, Mathieu Boogaerts et Vincent Baguian. Chacun porte sa marque de fabrique. L’esthétisme pour Baer, teinté d’un spleen tout parisien, celui des beaux quartiers. Le savoir-faire orchestral pour le deuxième. La poésie pour Boogaerts, loufoque et triste à la Trenet. La qualité d’écriture, aventureuse mais charpentée pour Baguian.
Vincent Baguian, justement, chante à Paris ces lundis-ci. Il faut encourager ceux qui ne le connaissent pas à découvrir cet auteur d’élite dont Nougaro affirmait : « C’est un écrivain de chansons. » Difficile de mieux le définir. Son inspiration le situe au carrefour d’une filiation haut de gamme, entre David McNeil, Alain Souchon et Renaud. Mais Baguian ne se contente pas d’un tel pedigree. Il apporte son cachet et crée sur scène un personnage inédit. C’est là qu’il marque les esprits, car il ne rappelle personne. Fait rarissime dans la chanson ! Les culs serrés le trouveront statique, hautain, froid et distant, tendance Gainsbourg période Canetti. Mais les amoureux de la chose dénicheront illico l’allusion qui donne corps au verbe, l’image inattendue, le coup de griffe insolent, le toupet de certaines trouvailles, l’élégance toute en retenue, immanquablement séduits par l’attitude de l’artiste, son humour et ses sourires en coin - façon Brassens content de lui - quand il semble s’apercevoir, comme s’il l’avait oublié, que son propos ne larbine pas… Chanteur à l’ancienne, Vincent Baguian est pourtant des nouveaux grands auteurs-compositeurs-interprètes l’un des plus étroitement liés à son époque. Il suffit de survoler les titres de ses chansons pour s’en convaincre.
Pas la peine d’évoquer les trois ou quatre chefs-d’œuvre qui bétonnent la soirée, ceux dont on parle après, grâce auxquels on achète le disque pour les réécouter. Laissons-les neufs au novice. Mais Seul au fond, Je suis une tombe, Petite chanson courte au titre un peu long à fredonner à ceux qui se mettent en position de mériter qu’on la leur chante ou Je regarde les biches certifient que leur auteur est sans doute, et tout simplement, le meilleur parolier de sa génération.
Ça se passe au Zèbre donc, boulevard de Belleville, tous les lundis des mois de mai et de juin ; et ça devrait valoir son pesant de poils à gratter…

Baptiste Vignol